5-Utilité

Intérêts des monnaies locales : relocaliser et humaniser l’économie, fédérer des alternatives sur un territoire, valoriser des gestes citoyens (cliquez ici pour télécharger un pdf)

Synthèse:

Il faut avant tout bien définir ce qu’on veut défendre, quel est le monde que l’on veut créer et mettre en place l’outil (la monnaie) qui va nous y emmener (et pas l’inverse)

Les MLC sont des outils qui servent à: 

  • Relocaliser l’économie, éviter l’évasion commerciale
  • Donner une identité à notre monnaie >> devient un objet de collection
  • Faciliter les échanges, donner du pouvoir d’achat aux plus démunis, valoriser des richesses non marchandes
  • Informer, former la population aux enjeux et fonctionnement de la monnaie, de l’économie sociale et solidaire
  • Fédérer les initiatives d’un territoire
    • Il faut d’abord connaître son territoire, les acteurs locaux et les échanges existants ou à créer entre eux (cartographie du territoire à réaliser)
    • Il s’agit ensuite de définir quel type d’échange on veut promouvoir (échanges non marchands type SEL ou échanges intégrés dans le circuit économique local (type monnaie émise (gagée en €)) en sachant qu’il n’existe aucune monnaie dans le monde qui fasse le lien entre monnaie temps (SEL) et monnaie locale émise (exception faite du Talent en Autriche qui ne fait le lien que de la MLC vers le SEL)
    • Le processus de création même d’une monnaie pousse les acteurs d’un même territoire à communiquer, échanger, co-créer (ex. SOL Alpin)

Compte rendu :

Les 2 thèmes regroupés dans cet atelier, « Intérêts des monnaies locales / MLC, un outil pour fédérer des alternatives sur un territoire ? »,  n’étaient pas si proches que ça et n’ont pas été débattus en profondeur. Malgré les échanges furent très riches, essentiellement autour de la valorisation de richesses et d’échanges non marchands.

Une MLC est avant tout un outil dont il s’agit de définir le but

Question pour les porteurs de projets : que voulez-vous valoriser, quelles sont les richesses sur votre territoire, comment soutenir ces différentes richesses ?

On peut commencer par un audit des richesses, exploration de l’écosystème avec les besoins et les ressources de chaque acteur de la vie locale.

Thématique 1 : Une Monnaie Locale Complémentaire dans le secteur marchand à quoi ça sert ? 

Soyons clair sur les avantages et partageons sur comment faire passer le message face au manque de solidarité dans notre société.

1) Dans la petite ville d’Étain (Meuse), une MLC pour fixer l’économie dans 1 endroit et pérenniser les commerces locaux face aux 70 % d’évasion commerciale révélés par une étude récente de l’agence de commerce et d’industrie de la ville. L’évasion commerciale est la dépense hors de la zone par des personnes résidant dans une zone donnée.

Les MLC adossées à l’€, qui s’achètent avec des €, fonctionnent dans le circuit de l’€ et permette de l’ancrer dans 1 territoire.

2) Outil identitaire : s’appuyer sur l’identité du bassin de vie et les forces du territoire, les valeurs mises en avant, choix important du nom et du graphisme dessiné sur le billet (exemple place du Capitole sur le Sol Violette)

3) Un outil politique pour affecter de l’argent public afin de soutenir un secteur ou un public sur son territoire. Ex Sol-Violette donner du pouvoir d’achat supplémentaire aux plus démunis comme les usagers des maisons des chômeurs.

4) Un outil pédagogique pour mieux comprendre les mécanismes économiques et retrouver un peu de créativité

5) Un outil pour protéger l’argent de la spéculation excessive, et pour faciliter les échanges de services en augmentant notamment la vitesse de circulation de la monnaie grâce au système de fonte (voir CR 14)

6) La MLC devient un objet de collection : la Mesure à Roman et le BNB à Bâle, ont fait des éditions spéciales pour collectionneurs (un package de tous les types de billets ou l’édition de billets de valeur 0). BNB finance 50 % de son secrétariat avec le produit de la vente aux collectionneurs.

Le terme MLC monnaie locale complémentaire désigne souvent des projets de monnaie dans le secteur marchand comme l’Abeille à Villeneuve Sur Lot. Mais c’est aussi un terme plus générique (comme monnaie citoyenne) désignant également d’autres formes de monnaie autour notamment de systèmes non marchand.

Thématique 2 : Une MLC de type crédit mutuel peut contribuer à fédérer les initiatives citoyennes d’un territoire en dynamisant les échanges non-marchand dans un réseau inter-associatif

Commencer par réaliser une cartographie des besoins et des offres sur les territoires. A Oléron Sainte Marie 400 associations pour 12 000 habitants : réseaux d’éducation sans frontière, jardin collectif, AMAP, vélo, …

Un objectif commun pertinent pourrait être une vie locale plus sobre et plus dynamique par la mutualisation des ressources. Une monnaie semble adaptée pour faciliter les échanges dans un vaste réseau, pour aller au-delà du troc. De plus, une monnaie de type crédit mutuel serait adaptée pour effectuer ces échanges de ressources (salles, rétroprojecteurs, compétences, ….) car ils se situent hors de la sphère marchande et permet ainsi d’éviter de sortir des euros de sa trésorerie. La base temps semble adaptée. Cependant une monnaie de crédit mutuel n’est pas forcément sur une base temps, elle peut être à parité avec la monnaie nationale officielle (c’est le cas du projet de Community Forge au Kenya). Cela est à définir par le collectif, de même que la valeur des offres.

Les outils informatiques permettant de gérer les SEL pourraient être utilisés. Il ne s’agit pas de connecter des SEL existants entre eux car les associations font rarement partie d’un SEL et qu’il sera probablement difficile de faire évoluer les SEL existants pour y inclure des associations.

En définitive, créer un SEL réunissant les associations citoyennes sur un territoire semble à même de dynamiser le tissu associatif.

Thématique 3 : Valorisation des gestes écologiques ou citoyens par 1 MLC

Exemple du passeport éco-citoyen de Grenoble

A Grenoble, dans le quartier populaire de la Villeneuve, un passeport éco-citoyen a été mis en place par la Régie de quartier, avec l’aide de l’association Sol Alpin et le financement des collectivités.

Pour lutter contre le dépôt sauvage d’encombrants et les coûts associés comme le passage chaque jour de 2 camions de ramassage ou les dégradations liées aux incendies, les habitants du quartier, qui apportent leurs gros encombrants à la déchetterie qui fait ressourcerie le samedi, acquièrent des coupons cadeaux qu’ils peuvent utiliser chez certains commerçants ou structures partenaires du quartier.

Des offres alimentaires, des offres culturelles, des objets économiseurs d’énergie, des séances sportives, des réductions de loyer avec les bailleurs sociaux, des réductions pour des travaux ou pour des vêtements ont été ainsi donnés (attention très important pas de refinancement derrière des offres par les collectivités) par une 20ène de partenaires pour une valeur totale estimée à environ 200 € par passeport et qui bénéficient ainsi d’un outil de promotion.

L’évaluation de cette expérimentation est en cours. L’objectif est de valoriser d’autres gestes écologiques ou gestes citoyens (comme l’implication dans l’animation du quartier ou la participation à la démocratie locale) en interrogeant les habitants du quartier. Travailler également avec les collectivités pour proposer des offres de service public comme la piscine.

Le projet de SOL dans le 93 s’inspire de Grenoble afin d’identifier un ou plusieurs problèmes concrets et d’utiliser ce type de système pour si ce n’est les résoudre, au moins sensibiliser.

La valorisation de gestes citoyens avec les MLC adossées à la monnaie officielle est très rare en France.

La première expérimentation de la carte de fidélité Sol en 2005 correspondait à une valorisation du geste de consommer responsable au sein de boutique essentiellement de l’économie sociale et solidaire. Je consomme en euro et je gagne petit à petit des points de fidélité Sol indexés sur la monnaie nationale qui pourront être utilisé dans les boutiques du réseau. Ces points étaient offerts par les commerçants sur le même principe que les smiles de la Sncf ou que les miles d’Air-France.

Par contre au niveau international de nombreuses monnaies ont été créés pour remplir des services collectifs, comme la collecte des déchets (à Curitiba au Brésil, au Kenya) ou le soin aux personnes âgées (le Furei Kippu au Japon). Le cas de Curitiba au Brésil en 1971 était pionnier en la matière : la mairie en banqueroute et totalement débordée par l’accumulation des déchets dans les favelas aux rues trop étroites, a payé le ramassage des ordures aux citoyens avec des jetons qu’ils pouvaient échanger contre une place de bus, de la nourriture ou des fournitures scolaires.

En ce moment, à Barcelone, la boîte de recrutement info-jobs organise l’entre-aide des chômeurs avec une banque de temps qui leur permettrait d’échanger des services entre chômeurs mais aussi de payer en temps un % d’une prestation de coaching auprès de  partenaires de la boîte de recrutement.

La valorisation des gestes citoyens et des échanges non marchands semble essentielle dans des territoires comme le département 93 où les € sont très rares et la vie associative très riche. C’est également important pour remette l’humain au cœur des échanges.

Cependant, ce constat est à nuancer. Une étude du banco Palmas dans les favelas au Brésil montre que la pauvreté ne vient pas du manque d’argent mais du fait que l’argent s’enfuit, il est utilisé ailleurs (évasion commerciale). C’est également le constat du projet Eco-Pesa porté par Will Ruddick dans les bidonvilles du Kenya. D’où l’intérêt des monnaies complémentaires locales indexées sur la monnaie nationale cité plus haut.

Thématique 4 : Échanges entre SEL et MLC adossées à la monnaie nationale officielle

On retrouve en France plus de 400 SEL (Système d’échanges locaux) permettant l’échange de services ou de biens entre des individus au sein d’un réseau avec comme unité de mesure le temps avec un système de crédit mutuel. Plus récent les RERS (Réseau d’Echange Réciproque de Savoir) développés au sein des centres sociaux ou encore plus récent les accorderies initiées au Québec.

Le Talent en Autriche est utilisable dans le SEL et pas l’inverse. C’est un système d’équivalent : taux de change unilatéral sans conversion. Contrairement au cas français, les SEL autrichiens incluent des professionnels.

Le SOL au démarrage avait posé la possibilité d’une perméabilité entre les Sel du domaine non-marchand et les Sol euros du domaine marchand mais ça a été abandonné face aux difficultés juridiques notamment.

En conclusion : Développement du patrimoine social par le processus de création d’une MLC

La création d’une MLC construit un patrimoine social, notamment des liens entre les parties prenantes, qui sont importants dans la perspective de remette l’humain au cœur des échanges. C’est ce qu’on peut constater pour le SOL Alpin. Bien que le projet soit en grande difficulté financièrement en ce moment, les entreprises ESS déclarent de façon unanime que leur participation au projet a été bénéfique car elles ont été amenées à travailler ensemble.

Il est a noté que depuis les 5èmes rencontres, un manifeste des MCL est en cours de rédaction, il devrait être proposé au réseau avant les 1ères assisses nationales de mai 2013 à Villeneuve sur Lot. A V/L, le manifeste sera validé et pourrait servir de socle commun…etc.

Pour en savoir plus:

Vous trouverez une description du BNB sur le site MLC : http://monnaie-locale-complementaire.net/bnb-en-suisse/. De nombreuses autres MLC y sont décrites également

Des MLC valorisant les gestes citoyens qui fournissent un service d’intérêt collectif : http://wwf.panda.org/what_we_do/footprint/cities/urban_solutions/themes/waste/?204414/Curitiba

Un projet de MLC de crédit mutuel pas basé sur du temps et valorisant les gestes citoyens :http://communityforge.net/fr/Kenyan-Chamas ; http://koru.or.ke/Complementary_Currency_Meetings_Nov_2012

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